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Le Premier ministre italien, Mario Draghi, le 13 février 2021, s'apprête à assister à la cérémonie officielle de prestation de serment de son gouvernement au palais présidentiel.
Le Premier ministre italien, Mario Draghi, le 13 février 2021, s'apprête à assister à la cérémonie officielle de prestation de serment de son gouvernement au palais présidentiel.
©Tiziana FABI / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), a été nommé à la tête du gouvernement italien. Le nouveau président du conseil va notamment gérer l'investissement des sommes du plan de relance européen afin de remettre l’économie de l'Italie sur de bons rails.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Il riecolo, et le revoilà Super Mario ! Après avoir passé sept ans, de 2012 à 2019, à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), Mario DRAGHI vient d’être choisi pour remettre l’Italie sur les rails.

En 2012, avec sa célèbre formule « whatever it takes », « quoiqu’il en coûte », il avait sauvé la zone euro et lui avait permis de passer la crise des dettes souveraines… Cela a conduit à lui accorder de nombreux superlatifs qui n’ont pas été remis en cause avec une fin de mandat controversée. Aujourd’hui, dans la plus pure tradition romaine du recours à l’homme providentiel à qui on remet les pleins pouvoirs sur une durée limitée, les responsables politiques italiens ont fait appel à lui pour sortir l’Italie de l’ornière.

La botte est confrontée à de nombreux défis dont :

  • Une économie atone. L’économie italienne a été fragilisée par la crise des subprimes et des dettes souveraines (2008-2012), et n’est sortie de la récession qu’en 2015 ; le PIB de 2019, 2 080 Md$, est toujours inférieur à celui de 2008, 2 391 Md$.

Après une faible croissance de 0,8 % en 2018 et de 0,3 % en 2019, le pays a pris de plein fouet la pandémie. Les relations étroites avec les industriels chinois du secteur textile expliquent le fait que le pays a été probablement la porte européenne du COVID ; avec près de 100 000 morts, l’Italie est le pays européen le plus touché.

Le PIB italien a chuté de près de 10 % en 2020 et 2021 demeure marqué par les incertitudes de la situation sanitaire, des retards de vaccination et des différents variants du virus… !

  • Des finances publiques dégradées. La pandémie a entrainé un doublement du déficit public de 1,3 % du PIB en 2019 à 3,4 % en 2020. Parallèlement, la dette publique a explosé de 134 % du PIB en 2019 à 161 % en 2020. Avec 15,8 % du PIB de la zone euro, la 3ème économie européenne apparait comme son maillon faible. Pour bien signifier à ses partenaires qu’il n’y a pas d’Europe ou de zone euro sans Italie, Mario DRAGHI a tenu un discours pro-européen très offensif.
  • Un inquiétant chômage. Après avoir baissé de 10,6 à 9,9 % en 2019, le chômage est reparti à la hausse avec 12,7 % en 2020, année qui a enregistré la perte de 440 000 emplois.

Pour faire face à la situation préoccupante créée par la double incapacité à véritablement dépasser les crises de 2008-2012 et la pandémie, les responsables politiques se sont défaussés en se retournant Mario DRAGHI. Que pourra faire le 44ème président du conseil depuis 1946 ? Combien de temps pourra-t-il durer ?

Avec une moyenne de 20 mois par président du conseil, la république italienne connait une instabilité chronique depuis sa création au sortir de la guerre. Jusqu’en 1992, cette instabilité était masquée par l’omniprésence du parti dominant, la démocratie chrétienne et par le premier opposant, le parti communiste. Mais la disparition de ces deux formations a profondément redistribué les cartes.

Les majorités se font et se défont et le pays en est même arrivé à recourir à des gouvernements des extrêmes. Ce n’est pas la première fois que Rome veut croire en un homme providentiel. Il y a eu Mattéo RENZI et son parti démocrate. Il y a eu Mario MONTI, également dénommé « Il Professore » qui n’a duré que 17 mois. Dernier président du conseil, Giuseppe CONTE a réussi à tenir 32 mois, mais la pandémie et la perspective de la fin de la législature début 2023 ont conduit à mettre un terme à son gouvernement.

Mario DRAGHI a réussi à constituer une coalition hétéroclite regroupant le parti démocrate, la droite extrême de Mattéo SALVINI ainsi que les populistes de gauche du mouvement « cinq étoiles » avec pour objectif « une nouvelle reconstruction » de l’Italie, en référence à celle de l’après-guerre.

Il dispose d’un atout majeur, les 208 Md€ sur les 750 du plan de relance européen dont l’Italie est le premier bénéficiaire. Le nouveau président du conseil veut consacrer ces financements pour la transition écologique, les énergies renouvelables, la lutte contre la pollution de l’air et de l’eau, le train à grande vitesse, la production et distribution d’hydrogène, la formation, le numérique, la 5G…

Au-delà de cette relance par l’écologie et de la lutte contre la pandémie, Mario DRAGHI a annoncé trois grands chantiers structurels :

  • La réforme de la fiscalité, et notamment de l’impôt sur le revenu. Cela devrait permettre de lutter contre l’économie parallèle. Le sujet n’est pas nouveau, mais son intensité est plus ou moins élevée selon les périodes ; selon certaines analyses, le travail au noir représenterait jusqu’au tiers du PIB ; cela constitue une indiscutable explication de la résilience italienne.
  • La réforme de l’administration publique.
  • La réforme de la justice, et un combat déterminé contre le crime organisé.

Mais le pays est à la recherche d’un nouveau modèle économique, voire d’un nouveau pacte social. Pour que cette union nationale soit porteuse pour le pays, il conviendrait de :

  • Dynamiser une population vieillissante et déclinante. Malgré l’arrivée de nombreux migrants, la population italienne diminue. Après un pic à près de 60,8 millions, la botte dénombre aujourd’hui un peu plus de 60 millions. Au-delà de cette décroissance, le sud et les îles se désertifient au profit des grandes régions urbaines du Nord. Une relance de la natalité s’avère indispensable pour donner un nouveau souffle au pays et éviter des réactions xénophobes eu égard le phénomène des migrants.
  • Contrôler les flux de migrants. Depuis une dizaine d’années, l’Italie fait face à une importante vague migratoire, de 400 à 500 000 personnes par an. La situation du marché italien de l’emploi fait que la plupart d’entre elles ne font souvent que transiter par la péninsule. Il n’en demeure pas moins que cela perturbe le pays ainsi que la vie politique italienne.
  • Réduire la fracture géographique. Elle n’est pas nouvelle, mais elle s’accentue et fragilise l’unité nationale. N’oublions pas que la création de l’Italie est récente ; elle n’a que 160 ans. Par ailleurs, au-delà de la Rome antique, l’histoire de ce pays est en grande partie une histoire du Vatican, des cités, Florence, Venise, Bologne, Gènes, Naples, Turin… L’État italien n’a jamais été très puissant et doit s’accommoder de régions aux compétences très élargies ; les tendances séparatistes sont importantes comme avec la Ligue du Nord créée en 1989 par Umberto BOSSI et aujourd’hui dirigée par Mattéo SALVINI.
  • Conforter le tissu entrepreneurial. Avec 21,6 % du PIB et 26 % de la population active, le secteur industriel est encore prépondérant en Italie nonobstant la mondialisation qui a entrainé des délocalisations et des pertes d’emploi industriels. Cette performance est due aux très nombreuses petites et moyennes entreprises familiales de moins de 50 salariés, dont la créativité et la flexibilité assurent la survie des usines et ateliers italiens. Grand exportateur mondial de produits de luxe, l’Italie demeure la deuxième puissance manufacturière d'Europe et la septième du monde.
  • L’assainissement du secteur bancaire. Depuis les crises de 2008-2012, les banques italiennes mériteraient d’être consolidées. Il est vraisemblable que l’ancien banquier central y prêtera attention, ce qui devrait permettre de remettre l’économie italienne sur le sentier de la croissance.

Tant avec le programme de court terme qu’avec celui plus systémique, Mario DRAGHI a fort à faire. Tout dépendra du temps qui lui sera laissé, et des deux échéances à venir, l’élection du Président de la République début 2022 et les législatives début 2023. N’oublions pas qu’à Rome, on sait très bien qu’« il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne ».

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