Le Compositeur :

Jeremías Iturra étudié la guitare classique et la composition à l’Université Catholique du Chili. En 2010, il intègre la classe de composition instrumentale et vocale du CNSMDL. Après avoir été lauréat d’une mention honorifique du Concours international Federico Mompou (Barcelone, 2011) et d’un deuxième prix au Concours international de composition Maurice Ohana (Paris, 2012), il intègre en 2014 la classe de composition de Marco Stroppa à la Staatliche Hochschule für Musik und Darstellende Kunst de Stuttgart.

En 2015, il obtient un Prix en composition avec mention très bien au CNSMD de Lyon sous la direction de Philippe Hurel.

En 2016, il est lauréat du 1er Prix du 9th International Composition Competition Póvoa de Varzim, au Portugal et de IBERMUSICAS 2016, ce qui lui permettra d’être artiste en résidence au CEPROMUSIC (Centre de Production et d’Expérimentation de Musique Contemporaine) au Mexique au cours de l’année 2017.

Sa musique est jouée par des interprètes de renom international (Ensemble Recherche, Quatuor Béla, Ensemble Court-Cirtcuit, Barcelona Modern Projet, Remix Ensemble, Ensemble CEPROMUSIC, entre autres)

L’œuvre :

Depuis quelques années, je porte un intérêt croissant à la dimension visuelle de la musique et à la possible « convergence créatrice » entre celle-ci et les arts visuels. Je m’intéresse notamment au théâtre, à la peinture, et tout particulièrement au cinéma. Cet intérêt est surtout technique. J’essaie de comprendre comment les objets visuels précités ont été conçus afin de voir s’il est possible d’appliquer le même modèle technique au plan sonore.

Pour cette pièce j’ai pris comme modèle référentiel le travail d’Isidore Isou, et plus particulièrement son film Traité de bave et d’éternité. Ce film est basé sur le principe du « montage discrépant » qui consiste, selon Isou, en une disjonction totale entre le son et l’image, traités de manière autonome sans aucune relation signifiante.

La bande-image est constituée, en grande partie, de found footage.

Ce terme anglais (littéralement « enregistrement trouvé ») désigne la récupération de métrages de pellicules impressionnées ou de bandes vidéos dans le but de fabriquer un autre film.

Ces images servent de prétexte – ou plutôt de matériau de base – à l’utilisation de la ciselure. Ce procédé est rendu en peignant, grattant ou rayant directement la pellicule, séparant ainsi chaque photogramme, habituellement perdu dans le mouvement général d’un film, pour l’explorer en lui-même et changer sa nature première. Cela permet de donner une dimension matérielle concrète à l’image. Le travail sur la pellicule – l’intervention directe sur l’objet et non pas sur l’image – est au centre de la démarche artistique.

J’ai ainsi créé une « métaphore formelle », en travaillant avec des matériaux préexistants, pour concevoir l’architecture de la pièce. Ensuite, « je suis rentré à  l’intérieur » de ces matériaux pour les mouler, les détruire, les saturer, les étirer, les « ciseler ». Ce procédé a donné comme résultat de nouveaux matériaux que j’ai superposés aux premiers. J’ai créé parallèlement un « alliage sonore », qui m’a permis d’unir ces différents matériaux et de trouver une unité musicale.

Cette pièce fait partie d’un projet futur pour quatuor à cordes, un work in progress qui a pour titre Manifeste Ciselé, pour lequel je travaillerai la même idée autour des matériaux mais en l’élargissant à d’autres paramètres visuels, comme la mise en scène, le « geste sonore » et l’espace.